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Derrière ce titre se cache un livre splendide de pensées que l’auteur siennois, Federigo Tozzi (1883-1920), écrivit dans les années 1910 (peut-être même en commença-t-il la rédaction dès 1907), partiellement divulgué dans la revue L’Eroica en septembre 1911 («La flamme et autres aphorismes») puis, en octobre 1911 («Impulsions et autres aphorismes»), avant de ne paraître pour la première fois en Italie dans sa version complète seulement en 1981, dans l’édition qu’en fit Glauco Tozzi, le fils de l’écrivain, à partir des originaux imprimés et deux ensembles dactylographiés corrigés par l’auteur toutefois tous deux incomplets. Malgré sa singularité indéfectible, se présentant comme une sorte de traité sur l’âme, il est à compter parmi les plus importants du genre (l’on songe à Nietzsche que Tozzi avait lu, ou même à Pascal, à Antonio Porchia, ou encore, plus lointainement toutefois, à Henri Michaux et son fameux Poteau d’angle ; l’on y devine aussi l’influence de certains mystiques, Sainte Thérèse y est convoquée ; et Dante, qui y est présent, est même à un endroit cité). À noter également, la surprenante approche de l’inconscient que Tozzi effectue.
Cet ouvrage échelonne, en trois parties, tour à tour considérations, vœux, adresses, et même chants, chaque fois introduits par un sujet, une thématique, moyen par lequel Tozzi, par l’écriture, parvient à décrire «un état spécial de notre âme», ce, jusqu’à une conclusion finale qui n’est pas fin en soi mais bien précisément retour au silence.
À ce jour toujours inédit en français, la parution de ce livre constitue un événement.
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Extrait :
La joie
Tout est dans la découverte de la bouche qui pourrait doucement nous parler. Dans la vie, il existe pour moi une flûte invisible, que mon âme seule entend. Et lorsque je parviens à m’approcher de cet instrument, c’est comme si mes veines se mettaient à chanter, à danser.
Il possède un son insistant, qui convainc. Comme Argus, je me suis endormi plus d’une fois. Et alors, qu’a fait mon âme, qui était semblable à la vache Io ?
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Federigo Tozzi (1883-1920) est un auteur italien sorti tardivement et progressivement de l’ombre. Natif de Sienne et autodidacte, il passa son adolescence, tourmentée par la mort de sa mère et le difficile rapport avec un père autoritaire, à lire à la Biblioteca Comunale avant de devenir journaliste à Rome, de rencontrer le critique Giuseppe Antonio Borghese et Pirandello qui le soutiendront, et de fonder la revue La Torre. D’abord auteur de poèmes, il se tourne vers le roman après la Grande Guerre où il sert comme journaliste auprès de la Croix Rouge. Il meurt prématurément à l’âge de 37 ans des suites de la grippe espagnole, restant assez méconnu du grand public mais considéré aujourd’hui comme l’un des narrateurs, avec Svevo, Pirandello et D’Annunzio, les plus importants du xxe siècle.
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