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Ce livre merveilleux est l’un des plus tardifs du poète chinois Gu Cheng (1956-1993), qui compte parmi les plus inventifs, les plus importants aussi, de la seconde moitié du XXe siècle. Qualifié par simplification de « flou », au même titre que ses aînés (Bei Dao, Shu Ting, Meng Ke, Yang Lian) de la revue Aujourd’hui, Gu Cheng est cependant inclassable, par trop singulier en sa langue.
Comme son titre l’indique, ce livre est illustré : chacun des dix-huit contes qui le composent se trouve en regard d’un dessin, chacun réalisé au crayon à bille en 1990 par Gu Cheng, par ailleurs excellent calligraphe. Les textes, quant à eux, datent de 1992. Un dialogue fusionnel s’instaure entre dessin & texte, selon une combinaison miroitante, s’influençant chacun, sans hiérarchie ni séparation.
Manière de nouveaux « contes anciens sur un mode nouveau », reprenant l’exemple du recueil de Lu Xun et ces récits écrits entre 1922 et 1935, ces textes sont tissés de la vie, difficile sur bien des points, sur l’île Waiheke en Nouvelle Zélande, la dénommée « île aux eaux tumultueuses » où le poète s’était installé avec son épouse, Xie Ye (1958-1993), en 1988. Ils empruntent aussi à de multiples traditions chinoises, puisant à toutes les époques — se jouant des comptines, des gāthās bouddhiques, des contes fabuleux populaires, des mythes et recettes taoïstes, du théâtre… Mêlant chinois classique et langage propre au conte traditionnel populaire, le rythme, précise les traducteurs dans leur postface éclairante, est celui, rapide, des textes anciens. Le ton est tour à tour enfantin, drôle, toujours libre, d’une liberté qui autorise aussi à la gravité, pour ainsi nous emporter dans un espace imaginaire des plus novateurs.
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