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Deux ans après s’être rendu dans l’enfer de Sakhaline, Anton Tchekhov achève cette prose, hantée par sa propre implication dans la médecine, qui paraît en novembre 1892. Ainsi se passe-t-elle principalement dans un hôpital, délabré et crasseux, dans une petite ville ennuyeuse. Dans cet hôpital un pavillon, et dans ce pavillon une salle : la dénommée Salle no 6, réservée aux fous que le rustre gardien des lieux, Nikita, n’hésite pas à rouer de coups, aussi inoffensifs soient-ils.
De moins en moins présent quant à lui, ayant perdu le goût des consultations auxquelles il ne croit plus, le docteur Andreï Efimytch Raguine vit dans son petit confort, mais souffre de solitude : c’est un interlocuteur digne de ce nom qu’il lui faudrait trouver, quelqu’un avec qui il pourrait parler et qu’il prendrait plaisir à écouter. Ce sera finalement Ivan Dmitritch Gromov, l’un des cinq détenus de la Salle no 6. Avec lui, la conversation touche à des sujets que le docteur ne pensait jamais pouvoir aborder : la souffrance, l’indifférence, la philosophie stoïcienne… Le livre atteint son sommet dans leur échange, au plus près, dans sa partition, de son cœur, jusqu’à son renversement final.
Du narrateur, s’exprimant à la première personne du singulier lorsqu’il touche à la personne de Gromov (« J’aime son visage large aux pommettes saillantes… »), se rapproche ainsi l’auteur lui-même, mais dans la narration proprement dite, c’est Raguine qui se rapproche plus certainement de Gromov, son double en miroir inversé…
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